Nous vous invitons à prendre connaissance du texte d’Emilie Agnoux, Déléguée fédérale à la riposte, après l’adoption de la loi sur le mariage pour tous. Bonne lecture.
Réforme emblématique d’une politique de gauche, le mariage pour tous vient d’être définitivement adopté par l’Assemblée nationale. Ce texte aura alimenté bien des débats, des polémiques, voire des violences. Le changement induit ne pouvait en effet manquer de rencontrer des oppositions, qui ont pu s’exprimer librement, y compris dans leurs formes les plus radicales. Bien sûr, il ne s’agit pas de tout mélanger : de multiples individus et groupes ont manifesté contre le mariage pour tous, et la très grande majorité des opposants s’est exprimée pacifiquement et sans préjugé homophobe ou misogyne.
Mais une frange extrémiste, certes minoritaire, dont les diverses manifestations ont été émaillées de débordements verbaux et physiques, a permis de mettre d’autant plus en lumière une droite d’un mutisme coupable, mal à l’aise avec les mutations de la société contemporaine. Bien plus que silencieuse, la droite parlementaire, à l’occasion des derniers débats à l’Assemblée nationale, n’a pas manqué d’audace en justifiant la violence de certains manifestants par la prétendue « provocation » du gouvernement, qui voulait enfin clore ce débat qui détourne chacun d’autres priorités dans le domaine économique et social.
Certains opposants n’ont également pas hésité à se scandaliser d’un déni de démocratie ou à dénoncer une « dictature » exercée par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault et le Président de la République. Les mêmes n’hésitent pas à brandir l’étendard d’un « Printemps français », en référence aux printemps arabes qui, rappelons-le, font référence à la libération courageuse de peuples placés sous le joug de dictateurs.
Par ces abus verbaux, parfois accompagnés d’actes de violence, ils semblent ainsi feindre d’omettre que le mariage pour tous constitue l’un des 60 engagements de la campagne présidentielle de François Hollande, ayant fait l’objet de centaines d’heures de débats au Parlement. Mais surtout, cette nouvelle possibilité offerte aux couples de même sexe ne fait que renforcer des droits, sans en enlever à quiconque, poursuivant ainsi la marche insatiable vers l’égalité, lanterne de la gauche française.
Certains opposants raniment même le souvenir de Mai 1968, ravivé par Nicolas Sarkozy en son temps, pour dénoncer une gauche tournée vers le passé. Pour ridicule qu’il soit, cet argument ne fait que dévoiler un peu plus une droite arc-boutée sur une vision monolithique archaïque de la famille une famille nucléaire au sein de laquelle les fonctions sociales sont strictement réparties entre homme et femme, et symbolisée par le logo distinctif des anti-mariage pour tous (un père, une mère, un garçon, une fille). De fait, la droite persiste dans l’occultation insistante de l’aspiration à l’égalité d’une société riche de sa diversité.
Certains députés de l’opposition voient ainsi dans ce nouveau droit accordé aux couples de même sexe une négation de la différence entre les « sexes », là où une réflexion en termes de « genre » aiderait à mieux comprendre ce véritable progrès social. En effet, penser en termes de « genre » et non de « sexe » permet de dépasser les différences naturelles et biologiques entre hommes et femmes pour mettre en lumière les assignations de rôles dont ils font l’objet depuis de très nombreux siècles, et qui freinent l’égalité réelle entre hommes et femmes. Pour tous ces opposants en effet, outre l’impossibilité naturelle pour deux personnes de même sexe de concevoir un enfant entre elles, un enfant ne saurait avoir deux parents du même sexe au motif que chaque sexe aurait naturellement un comportement différent (certaines qualités étant prêtées aux hommes, telle l’autorité, d’autres aux femmes, comme la tendresse ou le soin), et participerait ainsi de manière complémentaire à la structuration de l’enfant.
Or, justement, ces qualités supposées ne sont pas le fruit d’un héritage naturel mais d’une construction sociale et d’un comportement intériorisé dès le plus jeune âge, qui cantonne hommes et femmes dans des rôles sociaux bien déterminés. Dans cette perspective, le débat sur le mariage pour tous rejoint la question plus globale de l’égalité hommes-femmes, pour laquelle la droite s’est montrée peu prompte à agir depuis 30 ans en dépit là encore des évolutions notables au sein de la société française. Sur ce sujet de société structurant, c’est une fois de plus la gauche qui est dans l’action et l’accompagnement du changement : nomination d’un gouvernement paritaire par le Président de la République, constitution d’un Ministère délégué aux droits des femmes confié à Najat Vallaud Belkacem, signature d’un protocole d’accord sur l’égalité professionnelle femmes-hommes dans la fonction publique, réflexions en cours pour intégrer la question du genre dans les enseignements scolaires…
Si l’on peut légitimement entendre les questionnements et les réticences d’une partie de la population et de ses représentants face à de telles évolutions liées à de profonds changements de mentalités et de modes de régulation sociale, il revient au gouvernement d’adopter un discours pédagogique visant à mettre en évidence les gains dont nous pourrions individuellement et collectivement tiré profit avec de telles avancées. La mobilisation de tous les humanistes ne sera pas non plus de trop dans cette conquête d’une égalité réelle pour tous. Car l’adoption du texte du mariage pour tous ne constitue que la continuation d’un processus dont la pleine adhésion nécessitera du temps, à l’instar des lois sur l’IVG ou encore sur le PACS.